samedi 20 mai 2017

The Peony's Whisper (Vincent Guilbert, Japon, 2016)


Il existe deux types de documentaires. Ceux que la télé chérit, où un sujet est évoqué de manière chronologique, factuel, avec une voix-off nous donnant toutes les informations nécessaires à la compréhension. Et puis il y a ceux, plus subtils, où le réalisateur cherche à témoigner (ou attester) d'un sujet sans passer par les schémas classiques de mise en scène propre aux documentaires mainstream et en cherchant à développer un véritable regard. Vincent Guilbert est un adepte de cette seconde catégorie.

Japonais d'adoption, Guilbert vit à Tokyo depuis une dizaine d'années. Ses sujets de prédilection concernent des personnalités atypiques, souvent quelque peu en marge. Son documentaire sur le chanteur Costes a d'ailleurs fait sensation lors de l'édition 2016 de L'étrange festival. Son dernier travail en date, The Peony's Whisper (Le murmure de la pivoine en VF), ne déroge pas à la règle et nous invite à rencontrer Akira Naka, l'un des grands maîtres du bondage par cordes. Les adeptes de roman porno et, plus largement, d'érotisme japonais sont immanquablement tombés sur des films dépeignant cette pratique bien particulière - notamment ceux inspirés des écrits de Oniruku Dan et mettant en scène Naomi Tani. Mais nul besoin d'être un cinéphage érotomane ou un adepte du S&M pour se plonger tête la première dans ce film. Car The Peony's Whisper dépasse totalement les prémices salaces qu'une telle rencontre pouvait faire espérer pour nous offrir un portrait kaléidoscopique passionnant d'un Japonais arrivé à la moitié de sa vie. L'une des nombreuses qualités du film, c'est qu'il aborde en filigrane de nombreux sujets que l'on ne s'attendait pas à trouver dans un tel contexte : le racisme (le beau-père de Naka est Coréen), les préjugés (l'un de ses amis d'école est un burakumin) et même plus largement le sens de la vie. Oui, rien que ça. Guilbert suit au plus près Naka et ses modèles, délivrant un portrait complexe d'un homme et son « art » (il n'aime pas que l'on évoque ce qu'il fait ainsi). Après l'avoir suivi pendant plusieurs années et avoir accumulé quelques 150 heures d'images, il avait de quoi faire. The Peony's Whisper surprend (et fascine) et réussit au final à donner une image tout en douceur d'un homme qui gagne sa vie en faisant souffrir et pleurer des femmes. Toutes consentantes, ne l'oublions pas !

On s'est souvent amusé en France à rappeler que ce sont les Européens qui avaient permis à des cinéastes comme Akira Kurosawa ou, plus tard, Takeshi Kitano, d'obtenir une véritable reconnaissance dans leur pays. Vincent Guilbert va bientôt bénéficier d'une rétrospective à Tokyo, où seront présentés tous (ou presque) ses films. Il serait peut-être temps que quelqu'un fasse de même dans l'Hexagone...

1 commentaire:

  1. "On s'est souvent amusé en France à rappeler que ce sont les Européens qui avaient permis à des cinéastes comme Akira Kurosawa ou, plus tard, Takeshi Kitano, d'obtenir une véritable reconnaissance dans leur pays. " Oui, chose par exemple que Kitano a largement tendance à oublier tant il incarne de plus en plus les principes de la droite bien dure xénophobe nippone.

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